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Journée d’étude "Justices spécialisées, justices d’exception dans les espaces coloniaux (XVIe-XIXe siècles)" (Montpellier, 16 décembre 2016)

Le 7 décembre 2016 à 17h30

Journée d’étude « Thémis Outre-mer II »
Justices spécialisées, justices d’exception
Dans les espaces coloniaux (XVIe-XIXe siècles)

Organisée par Éric Wenzel et Éric de Mari
UMR 5815 Dynamiques du droit – Histoire du droit des colonies
Université de Montpellier – Faculté de Droit et de Science politique



"Cette journée d’étude est le deuxième volet d’une réflexion générale sur Thémis Outre-mer ; voir le programme de la première journée d’étude organisée sur cette problématique : « Adapter le droit et rendre la justice sous le premier empire colonial (XVIe-XIXe siècles) »

Les systèmes judiciaires sont généralement divisés en deux grandes catégories de juridictions, qui peuvent d’ailleurs s’interpénétrer et, évidemment, se compléter : d’un côté les juridictions dites ordinaires, aux compétences élargies à l’ensemble du droit commun, et les juridictions dites spécialisées ou d’exception.
Les colonies modernes et contemporaines n’échappent pas à cette dualité institutionnelle. L’Ancien Régime colonial connaissait, et pour s’en tenir ici à l’exemple français, des institutions judiciaires ordinaires, calquées d’ailleurs peu ou prou sur le modèle métropolitain (conseils souverains puis supérieurs de Québec, en Louisiane et aux Antilles, justices royales de la Vallée du Saint-Laurent, etc.), mais également des justices spécialisées, comme les amirautés ou les justices militaires. Les provinces canadiennes sous domination britannique après 1763 et jusque dans les années 1860 connaissaient aussi leurs « Special courts » (Courts Martial, Prerogative Courts pour la justice ecclésiastique, Court of Vice Admiralty, etc.). Le Second Empire colonial français a également fait coexister, tant en Algérie, en Afrique noire ou en Indochine, des tribunaux de première instance, des cours criminelles, des cours d’appel, des cours d’assises, etc. – les juges de paix pouvant quant à eux être rattachés tant à la justice ordinaire qu’à la justice spécialisée –, à laquelle on peut résolument agréger les tribunaux musulmans réservés aux justiciables indigènes entre eux et les tribunaux israélites. On pourrait sans doute étendre et multiplier les exemples pour les autres espaces coloniaux européens de la période.
Toutefois, le caractère exceptionnel de la justice en terres coloniales peut prendre des formes différentes ou être considéré sur autre plan parce que celle-ci fonctionne avec des tribunaux inconnus en métropole ou bien connaît des situations particulières, proprement coloniales : en Louisiane française, la justice militaire suppléait très largement la justice royale ordinaire, surtout dans le Haut Mississippi où la seconde n’existait que sur le papier ; on sait que dans les colonies américaines voisines, si l’architecture judiciaire était calquée sur le modèle métropolitain, l’organisation et le fonctionnement réels des tribunaux coloniaux anglais y étaient assez différents ; plus marquant encore, la justice criminelle dans l’Inde française du XVIIIe siècle était l’œuvre du tribunal de la Chauderie, instance singulière. Dans le Canada britannique, on l’a déjà précisé, existaient des institutions judiciaires étrangères à la Grande-Bretagne, ainsi les Militia Officers et les Trinity Houses spécialisées dans le traitement des petites infractions fluviales et commerciales dans la vallée du Saint-Laurent. Durant le Raj britannique, coexistaient pratiquement deux justices, l’une blanche, l’autre « coolie », la violence de la première s’exerçant sur la seconde. Les colonies allemandes, tant en Afrique que dans le Pacifique, ont connu une administration judiciaire propre, sans grand lien avec celle présente dans partie européenne du Reich. Ce ne sont là que quelques exemples de rappel.
L’ensemble de ces justices spécialisées ou d’exception, tant d’un point de vue institutionnel que comme réalité pratique, mérite d’être étudié ou réactualisé. Ces justices ont complété le système ordinaire ou bien assuré l’existence d’une justice singulière à caractère politique et c’est bien le double intérêt de cette rencontre scientifique que de vouloir comprendre le système judiciaire colonial dans sa globalité.
On reviendra à ce titre sur la perspective fondatrice posée par le Premier Empire colonial. Ainsi dans un système judiciaire qui repose à l’origine aux colonies sur une volonté de simplification on aboutit bientôt à une multiplication des institutions judiciaires spécifiques. Il convient d’analyser ce phénomène, de recenser les institutions qui s’agrègent au mode d’organisation initial, d’en examiner les justifications et d’en vérifier le fonctionnement. Une typologie doit être esquissée notamment sur la base d’un dyptique : justices complémentaires / justices politiques analogue au phénomène métropolitain qui a, lui, été sensible au XVIIe siècle (avec la pratique des justices par commission).
Dans le même sens on s’efforcera de comprendre comment le Second Empire colonial prolonge, mais aussi dépasse, au moins par son ampleur, ce phénomène qui passe par un débordement des justices ordinaires ou de droit commun. Dans un contexte où la nature de l’organisation judiciaire change et où la notion de justice spéciale se transforme, ainsi que la notion de justice politique, les principes métropolitains sont en porte à faux aux colonies. La conception des « juges naturels » est inadéquate, le poids de l’argumentaire fondé sur les spécificités locales s’accentue jusqu’à remettre en cause les velléités de mise en place d’institutions judiciaires régulières ou à les pervertir.
Cette seconde journée d’étude aura une double vocation : celle de l’histoire institutionnelle (fonctionnement, compétences et prérogatives, personnel de justice, etc.) et celle de l’histoire judiciaire (pratiques de justice, questions de genre, justices spécialisées comme reflet de la culture coloniale, etc.). La complexité des questions abordées mérite une soigneuse préparation. On repensera ici au prisme du contexte colonial les expressions « justices spéciales », « justices d’exception », « justices politiques »."



Revoir l’Appel à communication

Information signalée par Dominique Taurisson-Mouret sur le site hautement recommandable "Histoire du droit des colonies" :
https://www.histoiredroitcolonies.fr/
https://www.histoiredroitcolonies.fr/Journee-d-etude-Justices-specialisees-justices-d-exception-dans-les-espaces