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Colloque international pluridisciplinaire "Éducation et construction des rapports sociaux de sexe dans l’espace caribéen (XVIIIe-XXIe siècle)" (Guadeloupe, Saint-Claude , 13 et 14 novembre 2017)

Le 12 novembre 2017 à 16h01

Colloque international pluridisciplinaire
’Éducation et construction des rapports sociaux
de sexe dans l’espace caribéen (XVIIIe-XXIe siècle)"

Amphithéâtre Gerty Archimède, DPLSH
AIHP-Géode
Guadeloupe, Saint-Claude
Lundi 13 et mardi 14 novembre 2017



"L’objet de ce colloque est de réfléchir à la construction des rapports sociaux (de sexe, classe, race) dans le domaine de l’éducation, et plus largement de la socialisation, dans les sociétés caribéennes (XVIII-XXIe siècles). Il invite à interroger la construction et les représentations des rôles sexués au sein des sphères éducatives, conçues dans leur acception la plus large, c’est-à-dire aussi bien dans des espaces institutionnalisés que dans des espaces qui en restent à la marge.
Les travaux des chercheurs français ont longtemps utilisé les catégories de classe et de race pour étudier les sociétés esclavagistes et post-esclavagistes, en ignorant ou en omettant de prendre en compte le genre comme catégorie d’analyse. Pourtant les récentes recherches, notamment dans le domaine de la sociologie (Dunezat, 2009 ; Dorlin, 2009 ; Kergoat, 2009) ont montré comment la race, la classe et le genre engendrent des rapports sociaux qui sont étroitement liés, et ne peuvent être compris séparément. Certains auteurs (Collins 2000 ; Yuval-Davis 2006) invitent à complexifier les niveaux d’analyse, en étant également attentifs aux articulations entre ces niveaux.
Le cœur de la problématique de ce colloque sera la construction historique des rapports sociaux de sexe et la manière dont les sphères éducatives ont organisé - ou lutté contre - la hiérarchisation des sexes au sein des sociétés caribéennes. En posant la question sous cet angle, nous aimerions comprendre non seulement comment, mais aussi pourquoi, les rapports entre les sexes sont construits ainsi, appréhender plus précisément leur fonctionnement actuel grâce à un éclairage porté sur leur évolution, et interroger la singularité de ces rapports dans les sociétés caribéennes.
Pour prendre en compte les continuités et les ruptures des structures sociales héritées de l’esclavage et de la colonisation, il conviendra d’analyser les discours et pratiques liés à l’éducation des différentes composantes des sociétés caribéennes à partir du XVIII e siècle. Quelle est la part respective des héritages culturels et des apports exogènes dans l’élaboration des modèles éducatifs entrainant une hiérarchisation des sexes ? Comment se reflètent-ils dans l’éducation au sein des familles ? Que sait-on de la manière dont se faisait alors la socialisation de genre (aux normes aux pratiques et aux comportements), en ville et à la campagne, parmi les « habitants », les libres de couleur et parmi la population servile, dans ce siècle où l’enseignement et même l’instruction religieuse des esclaves semblent avoir été plus que rudimentaires ? Que sait-on de l’éducation par le biais des nourrices, des contremaîtres, des matrones, des précepteurs, des maitres d’apprentissage, etc.? Après l’abolition de l’esclavage, l’école laïque a été pendant longtemps considérée comme le tremplin du changement social et comme un instrument de régénération de la société. Les pratiques éducatives ont-elles intégré l’hétérogénéité des sociétés post-esclavagistes, en tenant compte des migrations africaines, indiennes et asiatiques des XIXe et XXe siècles ?
La question « éducative » sera comprise de façon large, à la fois comme formation du corps, instruction de l’esprit et éducation des mœurs, englobant la conduite de la vie et les qualités sociales : pourront donc être envisagées les définition des rôles sexués à l’intérieur de pratiques de socialisation diverses, impliquant des représentations, explicites ou non (dans des domaines comme ceux de la sexualité, de la famille ou du travail) de la « masculinité » ou de la « féminité ».
On interrogera aussi la manière dont les systèmes de pouvoir et les institutions éducatives sont impliqués dans la production et la reproduction des différences (ou « inégalités », si l’on suit l’approche ouverte par Bourdieu et Passeron en 1970) de classe, de « race » et de genre. Nous intéressant plus particulièrement aux sphères éducatives en tant que lieux de socialisation, de construction et d’apprentissage des rôles sexués, nous accorderons d’abord notre attention aux sphères éducatives qui relèvent du champ institutionnel déjà balisé par la recherche sur les processus d’assimilation en contexte colonial : la famille, l’Église, l’école et l’armée, bien que l’expérience sociale particulière de l’assimilation vécue respectivement et sans doute différemment par les hommes et par les femmes ait rarement été interrogée.
Mais l’intérêt de ce colloque sera également de proposer un éclairage nouveau sur les espaces d’encadrement moins institutionnels que la sphère de l’enseignement proprement dit : nous envisagerons ici les sphères éducatives élargies qui recouvrent les associations de secours mutuels, les associations sportives, le scoutisme, et les espace de socialisation non institutionnalisés recouvrant pourtant des pratiques sociales largement partagées, tels que les espaces de la musique et de la danse où prévalent, ou ont longtemps prévalu, l’oralité (contes, chants, musiques traditionnelles, mais aussi R&B, Rap et Slam), les espaces de jeux et les espaces de politisation (confréries, loges maçonniques, syndicats, partis politiques, etc.).
Partant du postulat que les rapports sociaux de sexe sont socialement et historiquement construits, l’approche pluridisciplinaire permettra d’examiner les outils propres à chaque discipline (histoire, sociologie, sciences de l’éducation, lettres, etc.) pour penser la complexité des intersections entre race, classe et sexe (Kimberlé Crenshaw, 1989 ; Patricia Hill Collins, 2000) et relire, au regard des différentes approches disciplinaires, les notions de genre et de rapports sociaux de sexe. En considérant la chronologie différenciée de leur usage, ce que ces notions révèlent des rapports de pouvoir historiquement et socialement construits, des mécanismes de production, intériorisation et de normalisation des différences. Une réflexion sur le concept d’intersectionnalité : cette notion, actuellement au cœur des études en science sociales (à la suite de Crenshaw, 1989), pourra être l’objet d’investigations que nous souhaiterons critiques, dans la mesure où elle peut permettre d’approfondir l’imbrication des différents types de rapports sociaux de domination (genre, classe et race notamment) et ses limites (Kergoat, 2009)." Clara PALMISTE, MCF en Histoire, Directrice du DPLSH



Pour mémoire, l’appel à communication aimablement communiqué par Clara Palmiste.