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Récit de la journée d’étude du centenaire du 7 décembre

Le 8 décembre 2012 à 11h15

Commémoration du centenaire de la SFHOM
7 décembre 2012

Le centre de recherche d’histoire de Sciences Po Paris a accueilli, le 7 décembre 2012, la journée d’étude de commémoration du centenaire de la SFHOM.
Le professeur Jean-François Sirinelli, de Sciences Po Paris, a prononcé une petite allocation de bienvenue, en montrant sa sympathie pour notre démarche d’histoire ultramarine.
Le professeur Hugues Tertrais, président de la SFHOM, a évoqué l’histoire d’un siècle de vie associative et académique, depuis la création de la Société d’histoire des colonies françaises le 6 juin 1912, précédant de quelques mois la création de la Revue.

Puis la première table-ronde a réuni Bernard Droz, Emmanuelle Sibeud, Pierre Brocheux et Pierre Singaravelou, autour d’un débat concernant les conceptions de l’histoire coloniale, son contenu, ses méthodes.
B. Droz a évoqué les idées qui ont motivé Alfred Martineau et ses collègues dans la fondation de l’association. P. Singaravelou a précisé les contours des concepts et mentalités des historiens du monde culturel, avec parfois l’idée qu’il fallait faire l’histoire de « peuples sans histoire » par une « historicisation importée » d’Europe – même si un corpus de méthodes novatrices a été constitué, sur la base d’archives et également de témoignages oraux collectés à cette époque, dans le cadre d’une histoire fort contemporaine, en sus de la reconstitution des origines anciennes des territoires colonisés et du développement de la « géographie coloniale ».
E. Sibeud a relaté le mouvement de création d’associations académiques orientées vers l’essor des connaissances ethnographiques et anthropologiques au début du 20e siècle ; elle a insisté sur l’interaction entre une vision interdisciplinaire à propos du monde colonial – notamment par grandes aires culturelles – et des corpus de méthodes disciplinaires en cours de consolidation. L’enjeu réside de plus en plus dans la fourniture de « l’expertise » utile au colonisateur et donc dans la mobilisation des corpus scientifiques eux-mêmes en perpétuel renouvellement. Nombre de réseaux se cristallisent au cœur des intérêts orientés vers les mondes ultramarins et coloniaux.
P. Brocheux a retracé le parcours des nationalistes vietnamiens, qui oscillent entre les influences japonaises, chinoises et occidentales afin de nourrir leurs références idéologiques et politiques, au tournant de la décennie des années 1910.

William Clarence-Smith aborde, dans sa Grande Conférence, le thème des « impérialismes non occidentaux ». F. Cooper aborde peu ce thème, en fait, dans ses ouvrages clés. Or des empires n’ont pas entièrement « disparu », comme on le prétend, tels les empires chinois et russe. Les Chinois se sont plaints d’être les victimes de l’impérialisme occidental, mais, au même moment, ils conduisaient une stratégie de conquête, comme au Tibet au tournant du XXe siècle, avec même les mêmes conceptions des indigènes en voie de soumission que les Européens au même moment. De même, le Japon se veut un pays colonialiste « moderne », afin de se faire accepter au cœur du monde moderne, avec un impérialisme « meilleur » et « moderne » - même si le Japon a dû signer des « traités inégaux ». Les Chinois et les Japonais ont créé une échelle de valeurs raciales, sous-tendant leur impérialisme, et quelque legs a été transmis à des Chinois actifs aujourd’hui en Afrique. L’Empire ottoman, lui aussi, était paradoxalement victime et conquérant (au Yémen, par exemple), tout comme la Perse vis-à-vis des non-Farsiphones, des Kurdes, des chiites non Farsis, etc. En Afrique aussi, nombre d’empires ont été établis (Madagascar, Éthiopie, Afrique subsaharienne, etc.). Les Amériques ont connu des empires amérindiens, de type nouveau, autour des Comanches (Comanche Empire or Comancheria, fondé sur les chevaux, les mulets et les armes à feu) qui utilisent les faiblesses post-impériales du Mexique. L’empire mapuche, du Chili vers l’Argentine, se veut lui aussi une esquisse d’empire, du Chili vers l’Argentine, en une esquisse d’impérialisme en Amérique latine. Des forces impérialistes se sont appuyées sur le colonisateur (Baganda en Ouganda, Brahmins en Inde) pour structurer leur influence régionale. L’humiliation de l’islam n’est pas seulement le fait de l’Occident industrialisés, mais aussi le résultat de la poussée mongole ou de diverses poussées, comme au Yunnan, en Éthiopie, à Madagascar, en Asie du Sud-Est (Birmanie, Philippines, Indochine, etc.), avec des processus d’assimilation « totale », sur le registre de la religion ou du mode de vie. Mais ces États restaient des empires religieux, avec des motivations religieuses, ce qui n’était plus le cas des empires occidentaux, y compris au Philippines où les Espagnols catholiques respectent le droit des Musulmans. Un débat large et animé a abordé les thèmes de l’impérialisme et des empires, où des participants d’origine européenne mais aussi d’origine non européenne ont jaugé ces concepts à l’aune de l’histoire de peuples, de royaumes ou empires, sur tous les continents. Ce débat animé aura permis de susciter des réflexions stimulantes !

La deuxième table-ronde, consacrée à la diversité du cheminement historique dans la Revue aura réuni, autour de Catherine Coquery-Vidrovitch, des spécialistes d’histoire ethnologique, religieuse et économique. Josette Rivallain a insisté sur les parcours des collectionneurs d’« objets » des empires qui étaient destinés à s’inscrire dans les recherches d’ethnologie à partir notamment des collections de musées (ou « muséums »). Hélène d’Almeida-Topor a précisé comment le Revue avait joué un rôle quelque peu pionnier dans la diffusion de l’histoire économique concernant les mondes coloniaux. Philippe Delisle n’a pas manqué de mettre en valeur l’histoire religieuse dans l’évolution de la Revue, tout en soulignant les limites, les lacunes et, surtout, les discontinuités à propos de ce thème. Un débat soutenu a essayé de faire préciser en quoi la Revue a pu être représentative des courants de mentalités de chacune des grandes époques de son histoire, par le biais de ses liens éventuels avec des cohortes d’élites (administration coloniale, université, courants d’affaires, etc.).

La troisième table-ronde, portant sur la dimension internationale de l’histoire coloniale et ultramarine, a permis à la professeure Chantal Metzger de rappeler les enjeux mondiaux de la colonisation et de son histoire, avant qu’elle eut saisi cette occasion pour insérer l’histoire impériale du Reich allemand dans les interrogations de cette journée d’étude. Les objectifs coloniaux allemands ont été ainsi rappelés.
Xavier Huetz de Lemps a souligné les perspectives espagnoles dans le domaine colonial ; l’on ne parle pas d’empire – après la perte des territoires sud-américains – ni même de « colonies », car ces territoires de colonisation de peuplement sont perçus comme un prolongement d’un État-nation en construction en parallèle, et non comme de simples excroissances ultramarines.
Jacques Portes s’est plongé dans la perception de l’histoire de la perte de l’empire français en Amérique du Nord à la fin du XVIIIe siècle : comment célébrer une défaite ? De même, comment célébrer la vente de la Louisiane ? On est donc sur le registre des mentalités socio-politiques face à la réalité de l’Histoire et de la construction d’histoires autour d’un passé ambigu. Léo Elisabeth a rappelé la place occupé par les Antilles dans la communauté coloniale, tant dans les Caraïbes qu’à Paris. Colette Zytnicki a concentré ses propos sur les mouvements migratoires des diasporas coloniales, entre la métropole et les colonies, mais aussi au sein des colonies elles-mêmes.
Enfin, le président H. Tertrais a dressé un bilan de cette journée d’étude, en évoquant les très lointaines perspectives du second centenaire !
[Compte rendu par H. Bonin]