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Appel à communication pour le dossier "Imaginations, existences et spatialités noires en (ré)émergences" de la revue en ligne HIstoireEngagée

Le 9 août 2018 à 22h05

Appel à communication pour le dossier
"Imaginations, existences et
Spatialités noires en (ré)émergences"
De la revue en ligne HistoireEngagée



Appel à communication valable jusqu’au 15 septembre 2018.

Jade Almeida, Christine Chevalier-Caron, Gaëlle Étémé, Astrid Girault, Catherine Larochelle, Philippe Néméh-Nombré, Pascal Scallon-Chouinard, responsables du dossier.

J’avais besoin de me perdre dans la négritude absolument. Peut-être qu’un jour, au sein de ce romantisme malheureux… [1]

C’est probablement parce qu’elle est aussi complexe, tortueuse même, que la relation de Frantz Fanon à la négritude a suscité autant de commentaires, autant de discussions. Ici, on met en dialogue le Fanon de Peau noire, masques blancs et celui des Damnés de la terre : quelle place occupe la négritude à différents moments de l’œuvre [2] ? Là, on questionne l’uniformité de la négritude en tant que mouvement : où et comment Fanon s’adresse-t-il à Aimé Césaire, à Léopold Senghor [3] ? Et ailleurs, plus généralement, on tente de faire sens de cette ambivalence, de ce qu’elle permet et de ce qu’elle signifie aujourd’hui [4].
C’est que, d’abord, Fanon semble appréhender la négritude comme un ensemble de pratiques individuelles et collectives de reconnaissance de soi, qui concrétisent le geste essentiel de déprise des structures coloniales et raciales. Une émergence, une auto-constitution dans la différence, nécessaire dans la lutte pour la libération. Un détournement, autrement dit, de la relation de domination et de ses effets internalisés et paralysants par la revalorisation historique et culturelle pour soi ; plutôt que de se faire reconnaître, se reconnaître et se faire connaître.
Sous un autre angle, en revanche, Fanon apparaît pourtant méfiant. Inverser les termes et réinscrire de la valeur dans ce qui n’en avait pas ou plus, n’est-ce pas une fixation différente mais tout aussi problématique de la binarité coloniale ? Dans ce schéma, la résistance n’est-elle donc pas elle-même fidèle aux termes coloniaux ? Et puis, sur quoi s’appuie cette revalorisation si ce n’est sur une compréhension essentialiste, unidimensionnelle et éventuellement élitiste de l’expérience noire ? Chez Fanon, la négritude semble donc traduire une nécessité, mais une nécessité transitionnelle, une nécessité qui ne constitue pas en elle-même la libération, et dont la fonction transformatrice est menacée par l’essentialisme et l’élitisme.
Les mots de Fanon sont propres à son contexte, mais les questions qu’il pose sont celles qu’investissent également, bien que différemment, tant la longue tradition féministe noire de Anna Julia Cooper [5] à Robyn Maynard [6] que les cadres afro-pessimistes de Frank B. Wilderson [7], Jared Sexton [8] ou Calvin L. Warren [9]. Tant les différents mouvements antiracistes, du Combahee River Collective [10] à Black Lives Matter, que les interventions décoloniales de Eve Tuck [11], Idle No More ou Glen Coulthard [12]. Tant les esthétiques diasporiques de Soul II Soul [13], de Dionne Brand ou du Black Theatre Workshop que la résistance culturelle sur le continent. Tant, finalement, le travail historique que la construction d’alternatives et de futurs radicaux. Ces questions sont d’actualité.

HistoireEngagée (qui est une "revue qui a pour objectif de commenter l’actualité, de la décortiquer, de l’expliquer, avec l’aide de l’histoire. Elle souhaite également rapprocher cette discipline du grand public") ouvrait, il y a bientôt deux ans, le dossier Afro-Amériques : résistances, histoires et mémoires sur une citation d’Aimé Césaire tirée de son Cahier d’un retour au pays natal. La relance de ce dossier, qui s’intitulera dorénavant Imaginations, existences et spatialités noires en (ré)émergences, aura quant à elle pour intention de questionner historiquement, dans le présent et dans le futur, les façons par lesquelles les personnes et communautés noires se (re)font et (re)font les sociétés. Comment et pourquoi ces identités collectives, revalorisations et reconnaissances émergent-elles ? Comment repenser les histoires noires et leurs différents héritages, et de quelle manière en parler ? Comment les différentes expériences noires sont-elles vécues à l’intersection notamment du genre, de la classe et de l’orientation sexuelle ? Quelles similarités ou distinctions peut-on entrevoir entre ces existences et d’autres expériences minoritaires, diasporiques ou colonisées ?
Nous invitons donc artistes, universitaires, étudiants-es, militants-es et autres à nous faire parvenir des contributions de types variés : articles de fond, textes de rubriques, recensions de livres, d’expositions, de colloques, de films ou de documentaires, essais, entrevues, etc. Ces contributions peuvent explorer notamment les pistes suivantes :
 Historiographie, commémorations, histoire publique et invisibilisée, enseignement de l’histoire
 Arts et esthétiques noirs, afro-descendants et diasporiques
 Invisibilisation, visibilisation et hyper-visibilisation
 Pratiques et pensées de libération, expériences de résistance, solidarités
 Diasporas, déplacements, communautés noires, nations, frontières
 Colonialité(s), postcolonialité(s), décolonialité(s)
 Territoires, spatialités et communautés

Veuillez nous faire parvenir vos propositions sous forme de courtes présentations/résumés d’environ 250 mots d’ici le 15 septembre 2018, à l’adresse suivante : contributions@histoireengagee.ca. Pour avoir plus de détails sur la forme de certaines propositions envisageables, vous pouvez consulter notre page « Balises de rédaction et directives de soumission ».

[1] Fanon, F. (1952 [1971]). Peau noire, masques blancs. Paris : Le Seuil.
[2] Par exemple, le quatrième chapitre de McCullock, J. (2003). Black Soul, White Artefact : Fanon’s Clinical Psychology and Social Theory. Cambridge : Cambridge University Press.
[3] Par exemple, Bernasconi, R. (2002). The Assumption of Negritude : Aimé Césaire, Frantz Fanon, and the Vicious Circle of Racial Politics. Parallax, 8 (2), pp.69-83
[4] Notamment Coulthard, G. S. (2014). Red Skin White Masks : Rejecting the Colonial Politics of Recognition. Minneapolis : University of Minnesota Press.
[5] Cooper, A. J. (2016 [1892]). A voice from the South. Mineola, États-Unis : Dover Publications.
[6] Maynard, R. (2017). Policing Black Lives. State Violence in Canada From Slavery to the Present. Black Point (Canada) : Fernwood Publishing.
[7] Wilderson, F. B. (2015). Incognegro : A Memoir of Exile and Apartheid. Durham, NC : Duke University Press.
[8] Sexton, J. (2011). The Social Life of Social Death : On Afro-Pessimism and Black Optimism. InTensions, 5, pp. 1-47.
[9] Warren, C. L. (2018). Ontological Terror : Blackness, Nihilism, and Emancipation. Durham, NC : Duke University Press.
[10] Combahee River Collective. (1978). A Black Feminist Statement. Dans Eisenstein, Z (dir.), Capitalist Patriarchy and the Case for Socialist Feminist (pp.210-218). New York : Monthly Review Press.
[11] Tuck, Eve & K. Wayne Yang,. (2012). Decolonization is not a metaphor. Decolonization : Indigeneity, Education & Society, 1(1), 1-40.
[12] Coulthard, G. S. op. cit.
[13] Voir notamment Walcott, R. (2003). Black Like Who (2e éd.). Toronto : Insomniac Press.

Source de l’information :
http://histoireengagee.ca/imaginations-existences-et-spatialites-noires-en-reemergences/
Nous tenons à remercier très chaleureusement Astrid Girault, membre de la Sfhom, pour nous avoir transmis cet appel à communication pour ce dossier qu’elle co-dirige. Astrid Girault est doctorante en Histoire à l’Université de Montréal (sous la direction de Mme Dominique Deslandres) et travaille sur l’évangélisation des esclaves au XVIIème siècle aux Petites Antilles françaises.