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Bâtisseurs d’empires : un nouveau livre, par A. Stanziani

Le 6 juin 2012 à 11h00

*Alessandro Stanziani, Bâtisseurs d’empires. Russie, Chine et Inde à la croisée des mondes, XVe-XIXe siècles, Paris, Liber, juin 2012.
Le point de départ et le fil directeur de cet ouvrage est donc tout simple : de quelle manière Russes, Chinois et Moghols ont-ils, chacun à leur manière, réglé le problème de l’approvisionnement des armées dans les steppes et lors des sièges dans des régions périphériques ? Il s’agit d’un fil apparemment ténu qui ouvre en réalité très vite sur des questions beaucoup plus larges : la production et l’acheminement des denrées, le stockage et le transport des produits, la colonisation de territoires vastes et éloignés. Les hommes et les chevaux doivent se nourrir. À cette fin, les steppes russes et mongoles, les « terres noires » du centre de la Russie, ainsi que les régions agricoles de la Chine et les plaines du Gange sont mises à contribution. Cependant, les manières d’obtenir des chevaux et du fourrage dans la steppe, du riz et du blé dans les régions fertiles d’Inde et de Chine ne répondent ni aux mêmes contraintes ni aux mêmes logiques qu’en Europe. Finalement, l’organisation militaire exige une discipline, une administration fiscale et un système de recrutement. Tout l’équilibre social est concerné. Les formes du recrutement et de la gestion des soldats, leurs équipements et approvisionnements s’ancrent dans le tissu social, dans les formes des institutions politiques et, bien entendu, dépendent de l’accès aux ressources disponibles. Les relations entre paysans, seigneurs, soldats et administration constituent ainsi une architecture complexe et réglée. Mon point de vue provient de mes travaux sur l’histoire russe ; je sais bien que les chercheurs travaillant sur les aires culturelles sont constamment enjoints de mesurer tout espace, entité sociale ou organisation non occidentale à l’aune de l’Occident. Rarement de manière explicite, le plus souvent de manière implicite, un spécialiste de la Russie est obligé d’adopter un tel positionnement. Indianistes et sinologues font de même. Je propose une démarche autre : l’expansion de la Moscovie est questionnée à partir de- et sert à son tour à interroger- les dynamiques d’Asie centrale, de Chine et d’Inde (à l’époque moghole). Il ne s’agit pas de devenir spécialiste de toutes ces aires, mais, au contraire, d’en revendiquer la spécificité sans s’y enfermer. Vues d’Asie et suivant des comparaisons entre steppes d’Asie centrale, Moscovie, Chine et Empire moghol, les questions évoquées n’aboutiront pas aux mêmes réponses qu’en suivant les axes habituels
Delhi-Londres, Yangtzi-Lancashire ou Paris-Moscou. La comparaison-confrontation avec l’Occident ne devient pertinente qu’à partir d’une époque relativement tardive, à savoir la fin du XVIIIe siècle, et rien ne justifie de la plaquer sur des époques antérieures, comme si l’histoire était déjà écrite et que la suprématie de l’Occident était inévitable.

*Table des matières
1. À la croisée des mondes *
*Pouvoir territorial et construction étatiques *
*Militaires, mercenaires et paysans *
*Guerre et dynamiques économiques *
*Guerre et innovation technologique *
*Frontières, territoires et empires nomades *
*2. Les routes des Qing *
*Le vase Ming et l’unité de la Chine *
*La frontière et les nomades *
*Ethnies et hiérarchies administratives *
*/L’approvisionnement en chevaux et les rapports avec les autres Mongols /*
*/Migrations et colonisation - Les réserves céréalières/***
*La frontière septentrionale : échanges commerciaux et colonisation